Randonnée de La Thuile à Aoste

Nous avons décidé cette année de parcourir en deux semaines de marche les montagnes du versant sud du val d'Aoste (massifs du Ruitor, de la Grande Sassière et du Grand Paradis).

Après de multiples correspondances (TGV jusqu'à Bellegarde, TER de Bellegarde à Saint-Gervais, train local de Saint-Gervais à Chamonix, bus international de Chamonix à Courmayeur par le tunnel du Mont-Blanc et enfin bus local de Courmayeur à La Thuile), nous commençons notre randonnée dans le val d'Aoste au village devenu très touristique (station de ski) de La Thuile. Ce premier jour, nous ne marchons qu'un quart d'heure, du centre de La Thuile au hameau de Bouic, où se trouve notre chambre d'hôtes de la nuit, et qui est resté plus traditionnel.

Un sculpteur local sur bois a décoré le village de motifs animaliers



ou d'autres motifs
dont l'un nous intéresse directement...
Le lendemain, notre première vraie étape de marche nous amène au refuge Deffeyes, dans le massif du Ruitor. Nous commençons par remonter le torrent du Ruitor, qui forme des cascades impressionnnantes (et très fréquentées)

Le sentier quitte ensuite le torrent (et la foule) pour monter au dessus de la forêt, en vue du Mont Blanc (à gauche), des Grandes Jorasses (à droite) et du village de La Thuile (au milieu).
Le premier lac que nous rencontrons, qui n'est plus alimenté par un glacier, est en voie de comblement.
Le guide a l'air concentré mais sa carte n'est pas vraiment nécessaire car le sentier est très bien tracé.
Et nous arrivons en vue du refuge Deffeyes, au pied du glacier du Ruitor.

 Le refuge est environné de plusieurs lacs alimentés par le glacier.



Le refuge est ravitaillé par hélicoptère. Lors de notre passage, l'hélicoptère a fait plusieurs passages pour assurer un approvisionnement exceptionnel car une des épreuves de l'ultra trail du Mont-Blanc passait au refuge ce jour là (nous avons croisé des participants dormant quelques minutes dans la salle à manger avant de repartir).

Le refuge n'est pas la seule construction dans ces parages. Il y a aussi la chapelle Sainte-Elisabeth, construite au 17eme siècle. Les lacs alimentés par le glacier débordaient régulièrement, ravageant la vallée et les villages en aval. Pour essayer de contenir les eaux, les autorités locales ont d'abord fait appel aux meilleurs ingénieurs de l'époque. Ceux-ci ayant avoué leur impuissance, il fut décidé de construire cette chapelle et d'y organiser des prières et processions, qui n'empêchèrent pas les inondations de se poursuivre. Finalement, c'est le réchauffement climatique qui a fait reculer le glacier et mis fin aux inondations (la dernière s'est produite en 1864).

Les ultra trails et la Haute Route du val d'Aoste contournent le glacier du Ruitor par le Nord Est (col de Planaval ou Passo Alto). Nous avons pour notre part décidé de passer par l'autre côté (col du Tachuy), en faisant donc une petite incursion en France.

Après avoir traversé le torrent issu du glacier,

nous suivons un sentier en balcon en face du massif du Mont-Blanc, que nous pouvons admirer d'ouest (aiguilles de Tré-la-Tête)

                                            

en est (Grandes Jorasses)

en passant, au centre, par le Mont Blanc lui-même

Puis nous découvrons de nouveaux lacs (lacs de Bella Comba et du Tachuy)

                                                                              

avant d'atteindre le col frontière du Tachuy, un endroit propice à la sieste quand il fait beau...

Côté français, un nouveau lac, le Grand lac du Petit, dominé par le versant SO du massif du Ruitor
un versant multicolore très différent du plateau glaciaire des environs du refuge Deffeyes

Notre refuge du jour, le refuge du Ruitor (à gauche sur la première photo, derrière trois yourtes qui complètent l'hébergement), se situe dans une plaine alluviale irriguée par les torrents descendant des glaciers.


Le lendemain, étape franco-française entre les refuges du Ruitor et de l'Archeboc. Nous traversons un chaînon secondaire (Montséti). De la crête, on aperçoit le Mont-Blanc derrière nous,

le mont Pourri devant,
et le lac Noir caché à nos pieds.
Au début de notre descente du lac vers le refuge de l'Archeboc, nous observons des vols de vautours. Nous pensons naïvement qu'ils se dégourdissent les ailes mais le gardien du refuge nous indiquera qu'en fait une génisse a fait une mauvaise chute près du lac et que les vautours sont occupés à nettoyer la carcasse.

Le refuge de l'Archeboc, situé à première vue dans un environnement plutôt sec,

cache, dans un repli de terrain à dix minutes de marche, une oasis inattendue: une "gouille" (grande mare) entourée d'herbes aquatiques et pleine de vie (libellules, grenouilles)

Sa température, inhabituelle à 2000m (environ 20°), attire aussi, pour quelques minutes, de plus gros animaux


Ce sera notre seule baignade de la traversée, les lacs glaciaires rencontrés avant et après étant nettement moins propices à cette activité...

Le lendemain, nous retournons dans le val d'Aoste (Valgrisanche) en passant par le col frontière du Mont qui offre, paraît-il, une très belle vue sur les massifs environnants, mais nous n'en profiterons pas...

Peu après le passage du col , il se met à pleuvoir sérieusement. Ce sera notre seule journée de mauvais temps.

La pluie s'arrête peu avant notre arrivée au refuge Bezzi.

Le refuge Bezzi, situé tout au fond du Valgrisanche sous les glaciers de la Grande Sassière, n'est pas accessible par la route, mais cela n'empêche pas un groupe de randonnée organisé d'y faire transporter ses bagages par un véhicule à moteur adapté.

Au dîner, nous discutons avec un couple plus sportif: deux ultra-trailers québecois qui vont participer,  monsieur au TOR des Géants (330kms), une course déjà classique qui fait le tour du val d'Aoste, et madame au TOR des Glaciers (450 kms), une nouvelle course encore plus dure qui passe, comme son nom l'indique, au plus près des sommets et des glaciers, et n'est ouverte qu'aux coureurs qui ont déjà réalisé un temps de référence sur le TOR des Géants. Ils reconnaissent le parcours et leur prochaine étape, jusqu'au Valsavaranche, correspond à deux ou trois de nos étapes. 

Pour notre part, à notre rythme de randonneurs, avec nos sacs sur le dos et pas sur le tracteur, nous repartons le lendemain matin en direction des glaciers qui tapissent le fond de la vallée et du col Bassac Déré qui nous fera passer dans la vallée voisine, le val de Rhêmes.

Dernier regard au refuge Bezzi au petit matin:

Avant d'approcher les glaciers, il faut traverser des pâturages fréquentés.
Nous atteignons l'étage alpin et quittons les vaches car l'herbe se fait rare

Le glacier et les petits lacs formés par son retrait

Une rencontre inattendue
Nous montons maintenant au dessus du glacier


Le point culminant du secteur, la Grande Sassière (3750m), nous fait une faveur et sort des nuages. Vue des environs de  Tignes ou de Val d'Isère, c'est une pyramide noire sans aucun glacier, mais le versant italien est complètement différent
Nous ne sommes pas mécontents d'arriver au col de Bassac-Déré (3082m)
De l'autre côté, un autre glacier et un grand lac (lac de la Goletta)

Le lac de la Goletta est dominé par la montagne vedette de notre nouvelle vallée, la Granta Parei. Il a une couleur typique "bleu glacier"
qui n'incite pas à la baignade, mais on peut quand même y tremper les pieds...
Nous quittons le lac en traversant son exutoire sur un joli gué de pierres
avant de plonger sur le fond de la vallée et le refuge Benevolo, où nous allons passer deux nuits.

Le lendemain, nous allons rendre visite à un autre lac glaciaire, le lac de Tsanteleina, qui se cache dans un repli de terrain sous la falaise de la Granta Parei (le lac se trouve entre le haut de la cascade et la falaise)
En arrivant au lac, nous apercevons le col frontière glaciaire qui pourrait nous ramener en Haute-Tarentaise
Le torrent issu de la fonte directe du glacier a une couleur grise très différente de celle du lac


Sur les pentes caillouteuses autour du lac, des edelweiss font le bonheur d'un insecte

Nous ne sommes pas encore dans le massif du Grand-Paradis, mais le sentier qui va du refuge au lac entre déjà dans le parc national, dont c'est ici l'extrémité Ouest.

L'aval de la vallée, vu du refuge le soir
Le lendemain, nous remontons un vallon latéral en direction du col Rosset, qui va nous faire quitter le val de Rhêmes et arriver en vue du massif du Grand Paradis. Pas de glaciers dans ce vallon mais un petit lac et beaucoup de cailloux.

Le col Rosset (3025m), entre le Val de Rhêmes et le Valgrisanche, est équipé d'une belle table d'orientation

construite grâce à une subvention européenne.

Il nous offre une vue complète de la chaîne frontière parcourue ces derniers jours, de la Grande Sassière (tout à droite) à la Tsanteleina (à gauche dominant son glacier) en passant par la Granta Parei (au centre un peu en avant).

C'est la dernière fois que nous voyons ces montagnes car désormais nous allons nous éloigner de la frontière pour nous enfoncer dans le massif du Grand Paradis, que nous découvrons de l'autre côté du col.
La descente révèle bientôt le lac Rosset et sa petite île, toujours en vue du massif du Grand Paradis.

Nous continuons à descendre sous la surveillance des habitantes des lieux
Puis nous traversons un grand plateau herbeux, le plan du Nivolet. Malgré l'altitude (2500m), l'herbe a souffert de cet été très chaud.

A la fin de la traversée du plateau, nous avons l'impression d'être de plain pied avec le massif du Grand Paradis et ses glaciers

mais un grand trou nous en sépare: notre nouvelle vallée, le Valsavaranche.

La descente dans la vallée nous permet de traverser un beau bois de mélèzes, nos premiers arbres depuis plusieurs jours.
et d'emprunter un très beau sentier pavé, un ancien chemin muletier royal construit pour le roi Victor Emmanuel II, le créateur de la réserve de chasse qui deviendra le parc national du Grand Paradis.

Le lendemain, pour notre premier jour dans le Valsavaranche, nous montons au refuge Victor Emmanel II par un autre chemin muletier royal, puis empruntons le sentier balcon qui relie les refuges Victor Emmanuel II et Chabod, directement sous les sommets du Grand Paradis, avant de redescendre dans la vallée, encore par un chemin royal.

Le refuge Victor Emmanuel II est le point de départ de la voie normale d'ascension du Grand Paradis. Mais du refuge on ne voit pas le sommet du Grand Paradis. Le sommet qui le domine sur la photo n'est pas le Grand Paradis, mais le Ciarforon (3642m)

Le sentier balcon traverse de belles dalles de granit
puis un pierrier plus rébarbatif
avant de parvenir en vue de la face NO du Grand Paradis (4061m)
et de traverser le torrent issu du glacier

Nous nous laissons brièvement tenter par un supposé raccourci par un ancien sentier, clair sur la carte et moins sur le terrain...


Cette planche est encore (tout juste) utilisable mais conduit à un cul-de-sac, la passerelle sur le torrent suivant n'existant plus...

Nous retrouvons donc rapidement le sentier principal et ne traînons pas dans la descente vers la vallée car le temps devient menaçant, mais prenons quand même le temps d'admirer l'ancien hameau d'alpage de Lavassey, maintenant utilisé par l'administration du parc,

puis les lacets empilés du sentier muletier royal (sans doute adapté aux chevaux mais à vrai dire pas si agréable pour le randonneur car les marches sont plus casse-pattes que ne le serait un sentier ordinaire de même inclinaison)
Le lendemain, nous parcourons le versant opposé de la vallée, face à notre itinéraire de la veille,
Et rencontrons notre première troupe de bouquetins dans un pierrier sous le col Manteau
Le lac Djouan est suspendu au dessus de la vallée
Dans la descente, un ancien pavillon de chasse de Victor Emmanuel II utilisé par le parc
L'étape du soir, un hôtel au nom irrésistible, qui sert aussi de base de ravitaillement pour les ultra trails:
Le paradis se paie: la journée du lendemain est la plus rude du parcours: 1700m de dénivelé positif jusqu'au col Loson (3300m), qui nous fera passer dans le val de Cogne.

La montée commence en douceur dans la forêt, à la sortie de laquelle nous profitons d'une vue lointaine inattendue sur l'extremité Est du massif du Mont-Blanc (aiguille de Triolet et mont Dolent)

puis nous atteignons un nouveau pavillon de chasse royal devenu maison du parc national.

Les escarpements qui dominent ce pavillon (massif de la Grivola) sont à l'origine de la création du parc national du Grand Paradis: c'est là que survivaient, au début du 19e siècle, les derniers bouquetins des Alpes, chassés jusqu'à la quasi extinction. Une réserve de chasse y fut créée en 1821 pour les protéger, étendue en 1856 par le roi Victor Emmanuel II (qui était le seul à avoir le droit d'y chasser) et transformée en parc national en 1922 par son petit fils Victor Emmanuel III. Il y a maintenant des bouquetins un peu partout dans le parc (d'où certains ont migré vers le parc de la Vanoise et ailleurs dans les Alpes) mais leur sanctuaire d'origine reste l'un des meilleurs endroits pour les observer:




Vus de près, les escarpements de la Grivola nous offrent un spectacle géologique en technicolor
Le couloir du col est moins coloré
même si des fleurs courageuses parviennent à s'y épanouir

Arrivée au col: après l'effort...

le réconfort
Le col Loson (3299m d'après le panneau), qui sépare le chaînon de la Grivola du reste du massif du Grand Paradis et relie le Valsavaranche au val de Cogne, est l'un des plus hauts cols des Alpes (le plus haut?) franchi par un bon sentier non technique (sans une trace de neige en cette fin août d'un été chaud). De l'autre côté du col, nous découvrons l'extremité Est du massif du Grand Paradis
Au début de la descente, le sentier taillé dans un environnement très minéral


et la géologie multicolore
évoquent plus le Ladakh ou les Andes que les Alpes.
 
Dès les premières touffes d'herbe, nous retrouvons nos amis les bouquetins (des jeunes suivant leur mère sur la deuxième photo)
et les fleurs alpines
Notre étape du soir, le refuge Vittorio Sella (2589m), est aussi un ancien pavillon de chasse de Victor Emmanuel II.
Nous repartons le lendemain par un beau chemin pavé
qui devient rapidement un sentier plus scabreux mais bien aménagé,

bien accroché à la montagne, en vue des glaciers quand les nuages sont d'accord



Nous allons bientôt quitter le parc national, voici notre dernier bouquetin

et notre dernière "maison du parc", une bergerie restaurée (Casolari dell'Herbetet)

La descente dans la vallée se fait d'abord dans une belle forêt de mélèzes

Plus bas, une végétation inattendue en période de sécheresse (lépiotes)

Et nous atteignons le torrent de Valnontey, que nous allons descendre jusqu'au village de Cogne.

Cogne est situé au confluent de plusieurs torrents, en lisière d'une grande prairie inconstructible réservée aux vaches et aux promeneurs, le pré de Saint-Ours

C'est un gros village (1500 habitants environ), le seul de plus de 1000 habitants dans les montagnes que nous avons parcourues (rive droite de la Doire Baltée).
De Cogne, nous remontons le vallon de Grauson, d'abord dans la forêt,
puis dans les prairies alpines
jusqu'au refuge de Grauson (2510m), tout neuf (achevé en 2020).
A notre arrivée au refuge, nous y trouvons un groupe d'alpinistes locaux qui a gravi un sommet voisin le matin et fête joyeusement ce succès (en costume local pour certains)
Cherchez l'intrus

Le petit déjeuner est agrémenté par un joli lever de soleil sur le massif de la Grivola. Trois jours auparavant, près du col du Loson, nous étions de l'autre côté du massif en compagnie des bouquetins.
Peu après, le sommet de la Grivola (3969m) se dévoile brièvement.

Gros plan sur le Grand Noménon, le satellite pointu de la Grivola (3488m quand même) à droite sur la photo précédente

Nous redescendons du refuge Grauson pour contourner le massif du Mont Emilius qui nous sépare de notre prochain (et dernier) refuge. Il y avait un chemin direct "par le haut" (col d'Arbolle) mais la gardienne du refuge nous l'a déconseillé, un glissement de terrain ayant emporté le sentier (Nos amis Françoise et François, qui ont randonné dans le même secteur quelques jours auparavant, nous indiqueront après notre retour que le passage restait possible).

En redescendant, nous retrouvons avec plaisir une belle forêt de mélèzes

et profitons d'une dernière vue sur les glaciers du Grand Paradis


Puis nous remontons vers notre avant-dernier col, le col Garin (2815m), malheureusement dans les nuages (au moins, pas de regrets d'être passé "par le bas": du col d'Arbolle (3154m), nous n'aurions rien vu non plus),
et redescendons vers notre dernier refuge: le refuge d'Arbolle

Le lendemain matin, brève montée vers notre dernier col, le col de Chamolé (2640m), d'où l'on aperçoit encore le refuge (au centre de la photo, à gauche du lac)
Sur l'autre versant, le dernier lac de la randonnée (lac de Chamolé, 2310m) nous attend.
Le terminus de la randonnée: le haut d'un télésiège de la station de ski d'Aoste, Pila, qui fonctionne en été,

et nous descend à la station, d'où un téléphérique nous descend à la gare d'Aoste. 1800m de descente économisés, nos genoux remercient la station de ski même si nos yeux préfèrent la nature sauvage.

En attendant notre train pour Turin puis Paris, nous découvrons la ville.

La mairie bilingue,

la statue du "roi chasseur" Victor Emmanuel, dont nous avons arpenté le terrain de jeux,
des vestiges romains,
et un joli centre historique piéton,
où se vendent des produits qui n'ont pas pignon sur rue en France (2eme boutique à gauche).
Nous nous contenterons sagement de ramener des produits locaux autorisés chez nous:

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